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L’univers fragile et complexe des maladies psychosomatiques


Il n’existe pas une, mais de multiples douleurs. Souvent la médecine arrive à en trouver la cause. Mais dans d’autres cas, le docteur cherche, mais ne trouve pas. « C’est dans votre tête » devient la seule explication, … inacceptable.


Il y a quelques années, je me suis réveillée avec une douleur aiguë du côté droit du thorax. La douleur augmentant, je me suis rendue aux urgences. Après des examens de routine et une échographie, les médecins m’ont regardé de manière perplexe. On m’a d’abord dit que je n’avais rien. L’image ne fournissait aucune explication. Pourtant, je me tordais de douleur et eux ne comprenaient pas, pensant peut-être que j’étais une sorte de Dame aux Camélias ! Je suis repartie quelques heures plus tard avec une prescription pour des antidouleurs et le diagnostic suivant : l’image ne montre absolument rien d’anormal mais votre vésicule biliaire est un peu plus grosse que la normale, je propose donc que vous preniez rendez-vous pour vous la faire enlever. Le problème ne venait clairement pas de cet organe, mais il fallait une explication matérielle. C’est en allant voir un micro kiné que la douleur s’est estompée grâce à une prise en charge globale.

La science du matériel

Passer pour le malade imaginaire quand la douleur vous paralyse est insupportable. Ne pas pouvoir poser de diagnostic précis pour un docteur quand un patient souffre est inenvisageable. Pourtant, il existe de nombreuses situations où, à défaut de diagnostic précis, le patient se retrouve seul face à une douleur dont on lui laisserait entendre qu’il en serait le seul responsable. Plutôt que de dire « je ne sais pas », on vous dit, « ça n’existe pas ». La science telle que nous la connaissons dans notre société a dressé une frontière entre le corps et l’esprit. D’un côté il y a le corps (soma) et, de l’autre, le psychisme (psyche). Quand la réponse semble ne pas se trouver dans le corps, la maladie devient psychosomatique. Prétendre qu’un symptôme est dans la tête d’une personne est non seulement un déni du symptôme mais aussi du patient lui-même. Celui-ci ne se sent pas reconnu, peut culpabiliser face à sa réalité qui ne semble pas réelle et se sentir idiot. Pourtant, en France, par exemple, un tiers de la population a de vraies douleurs qu’on n’arrive pas à relier à une cause physique. La science, en dressant une frontière artificielle entre le corps et l’esprit, nous a progressivement désenchantés. La douleur ne peut pas être objectivée matériellement, il n’existe aucun test. Mais, ce qui est certain, c’est qu’elle est réelle et non imaginaire.


La dualité corps/esprit

Dans notre culture occidentale, cette problématique existe depuis la nuit des temps et ne cesse de nous questionner. En Asie, par contre, cette séparation n’existe pas. Au contraire le corps et l’esprit sont inextricablement liés et ont une grande influence l’un sur l’autre. Les maux et douleurs ne proviennent pas uniquement d’explications organiques ou mécaniques. L’individu est pris en charge au delà des symptômes. Le continuum « corps esprit » est certes complexe mais il est bien réel. Parmi les différentes définitions, celle-ci me semble parlante : «  Les maux psychosomatiques sont la conséquence d’influences psychologiques qui aggravent une vulnérabilité physique.  » Nos émotions jouent un rôle majeur sur notre corps. Les relations, qu’elles soient négatives ou positives, exercent une réalité matérielle sur l’individu. L’organisme peut être affaibli par des facteurs psychologiques tout comme la douleur physique peut renforcer ou être à la source de problèmes physiologiques. Qui dit psychosomatique dit aussi somatisation, un processus de transformation de difficultés psychiques ou affectives en troubles corporels. Tout est lié. Comme le souligne Patrick Giniès, anesthésiste réanimateur, « La douleur n’est pas dans la tête, mais construite par la tête »1.


L’effet Placebo

Dans l’univers des médicaments, il existe des placebos, des traitements sans aucune substance active, pharmacologiquement inertes qui soulagent la douleur. Pour certains, c’est un leurre, un mensonge puisque scientifiquement le médicament ne contient aucune substance capable de guérir les maux. D’autres diront que c’est justement parce que certaines maladies ont une composante psychique que l’effet placebo est possible. A y réfléchir de plus près, tous les médicaments présentent un effet placebo puisque le simple fait de prendre un médicament pour le mal de tête, par exemple, peut soulager immédiatement alors que les substances actives n’ont pas encore fait leur effet. Il s’agit d’un effet subjectif qui est pourtant bien réel. L’effet placebo va dépendre de la confiance que le patient a dans le médicament mais avant tout dans sa relation avec le médecin. Si son discours est respectueux, son écouté réelle, cela va augmenter la confiance que le patient a envers lui et amplifier les effets bénéfiques de ses mots et du traitement. L’imagerie fonctionnelle cérébrale a pu mettre en évidence les circuits neurologiques impliqués dans l’effet placebo. A l’intérieur du cerveau, cela libère des substances appelées endorphines et dopa-mines qui soulagent la douleur. Le psycholo-gique a donc bel et bien un effet biologique. « L’effet placebo illustre la complexité des interactions entre mécanismes psychologiques et neurobiologiques. Le clinicien doit savoir se servir de ce puissant levier qui mobilise les ressources internes du patient pour accroître l’efficacité du traitement qu’il prescrit. Ceci passe par une bonne connaissance des attentes et des expériences antérieures du patient »2. Aurélien Benoilid, neurologue insiste sur le fait que : « Malgré l’avancé technologique, il est difficile de percer le problème complexe de l’esprit »3.

L’analyse des maladies psychosomatiques demande une implication encore plus grande du monde médical qui doit élargir son champ d’analyse. Parfois, il peut être utile de recourir à plusieurs disciplines dont certaines dites « alternatives », mais ce qu’il faut surtout, c’est s’écouter et ne pas se contenter de mots qui ne nous apaisent pas réellement.







 

3 - Aurélien Benoilid, neurologue, auteur de « Non, ce n’est pas dans votre tête », Ed.Marabout



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