
Le tarot apparaît à la fin du Moyen Age, au 15e siècle en Italie du Nord. C’est alors un jeu de prestige, enluminé par des artistes de cour. Un présent de choix, offert par exemple lors d’un mariage princier. Le plus ancien tarot connu est celui des Visconti-Sforza, grande famille aristocratique milanaise dont descendait le cinéaste Luchino Visconti. Ces cartes ont été peintes par Bonifacio Bembo. Aujourd’hui, elles nous fascinent toujours. Dans notre époque chaotique, le tarot apparaît comme une aide, un outil précieux pour mieux nous connaître et tendre vers notre nature profonde.
Plusieurs jeux très anciens ont été retrouvés mais sont incomplets. Il y a une seule carte qui leur manque à tous : celle qui représente le Diable (l’arcane 15). Le jeu se compose de 78 cartes. Il y a d’abord 56 lames, dites mineures, composées de 4 séries de 14 cartes : les deniers, les coupes, les épées et les bâtons. Ces séries sont numérotées de 1 à 10 et comportent aussi 4 cartes représentant un valet, un cavalier, une dame et un roi. Voilà qui ressemble – ou annonce – nos actuels jeux de cartes, avec leurs séries des carreaux, cœurs, piques et trèfles.
On pense que les Italiens ont emprunté ces motifs aux Turcs, qui eux-mêmes les ont hérités des Mongols, ceux-ci les ayant trouvés en Chine. Cependant le tarot comporte L'Invisible également, et ceci lui est spécifique, 22 lames dites majeures, ou « arcanes majeurs », le terme arcane signifiant un secret connu des seuls initiés (il vient du vocabulaire alchimique).
L’aspect occulte du tarot
Selon les historiens sérieux, le côté « occulte », caché et mystérieux, du jeu n’apparaîtrait qu’à la fin du 18e siècle. C’est en effet à cette époque qu’un certain Court de Gébelin, franc-maçon et protestant séjournant à la cour de France, publie dans son encyclopédie du Monde primitif un chapitre consacré au « jeu des tarots » et fait remonter celui-ci aux Egyptiens. Or l’Egypte antique était, depuis la Renaissance, réputée dépositaire de secrets hermétiques. Court de Gébelin voit dans le tarot « une philosophie pleine de raison » et le qualifie de « chemin royal de la vie ». Les gitans, apparus en Occident à la fin du Moyen Age et tirant les cartes pour y deviner le futur – une pratique réprouvée par l’Eglise, Dieu seul pouvant disposer de ce savoir – étaient précisément perçus comme venant d’Egypte (d’où leur nom de gypsies en anglais). Des gravures de la fin du Moyen Age montrent déjà des individus qui se font tirer les cartes par des devineresses.
Les 22 arcanes : une charge symbolique
Si le tarot n’a commencé à être utilisé à des fins divinatoires qu’aux 18e et 19e siècles, il est probable que, dès l’origine, les 22 arcanes majeurs aient été considérés comme possédant une forte charge symbolique. Ces 22 figures constituent, en effet, autant d’archétypes. Certaines d’entres elles ont sans doute été empruntées aux gravures qui accompagnaient les Triomphes, un recueil de poèmes de l’italien Pétrarque (1304-1374). Les arcanes majeurs, en anglais, se nomment d’ailleurs toujours trumps, et le Chariot que conduit un personnage couronné (l’arcane 7) ou la Mort (l’arcane sans nom, 13) rappellent en effet les cortèges de Pétrarque.
Des arcanes dans les peintures de Bosch
Certaines figures se retrouvent dans des oeuvres de Jérôme Bosch : le Bateleur (arcane 1) rappelle singulièrement le tableau L’Escamoteur de Bosch, et Le Fils prodigue du peintre ressemble trait pour trait au Mat (le « fou », le joker, arcane non numéroté), représentant un vagabond portant un baluchon et poursuivi par un chien. Cela ne signifie pas que Bosch ait copié le tarot ni que le tarot ait plagié Bosch, mais plutôt que les deux ont reproduit des images archétypales, à haute teneur symbolique, des images mentales puissantes issues de l’imaginaire collectif. Et ces images continuent de nous parler.
On les retrouve notamment dans le tarot de Marseille, le plus connu. Parfois transformées, parfois identiques à celles du tarot médiéval, elles nous parlent toujours aujourd’hui. Ce jeu est apparu en France au 16e siècle, manifestement dérivé des jeux italiens. Au 18e siècle, deux grands cartiers sont établis à Marseille : et Fautrier, d’où l’appellation, croit-on, de « tarot de Marseille ».
Le tirage en croix
Cette manière de procéder a été exposée par l’occultiste Oswald Wirth dans son Tarot des imagiers du Moyen Age en 1927, un livre toujours réédité. La personne qui vous consulte pose une question à haute voix, une question idéalement très claire. Vous lui présentez les 22 arcanes majeurs, préalablement mélangés, en éventail, le dos des cartes étant seul visible. La première carte tirée, à retourner et placer à gauche de la « croix », représente les éléments favorables. Dans un procès, il s’agirait de l’avocat de la défense… Après avoir examiné et commenté cette lame, une deuxième carte est tirée : placée à droite de la « croix », elle symbolise le pôle négatif, l’avocat de l’accusation. Une troisième carte, que l’on placera en haut de la « croix » figure le juge, et une quatrième lame, que l’on placera en bas, présentera la « sentence ». Enfin, l’on additionnera les nombres de ces quatre arcanes : si le total excède 21 (le mat comptant pour 0), on additionnera dizaine et unités afin d’obtenir le nombre d’un nouvel arcane (ex. 24 > 2+4 = 6, l’Amoureux), que l’on placera au centre de la croix. Cet arcane final figurera la synthèse du tirage.
Si vous souhaitez vous initier au tarot…
Il convient de vous familiariser avec chacun des arcanes majeurs : en observer les caractéristiques, les couleurs, apprendre leur sens symbolique. Différents ouvrages pourront vous aider, mais votre intuition jouera un rôle tout aussi important. Une épée est tranchante, le sol est tantôt aride et parfois y pousse une végétation florissante. La Maison- Dieu (l’arcane 16) signifiait au Moyen Age un hôpital. La Mort annonce souvent une épreuve initiatique, conduisant à une renaissance… La Papesse (arcane 2) est une femme sage et savante, et les médiévaux ont cru à l’existence d’une papesse Jeanne. L’Amoureux (arcane 6) est entouré de deux femmes, l’une paraissant plus jeune que l’autre… L’écrevisse, en astrologie, est aussi nommée cancer… La richesse visuelle et symbolique du jeu est assez inouïe, et nombreux sont les artistes qui se sont attachés à dessiner ou peindre « leur » tarot, de Niki de Saint-Phalle à Hans Rudi Giger(le créateur du monstre d’Alien), de Salvador Dali à Aleister Crowley (le grand mage moderne).
Néanmoins, commencer par le tarot le plus commun - celui de Marseille, dont la richesse graphique et symbolique s’avère finalement inépuisable - constitue vraisemblablement l’option la plus sage. Lorsque j’ai suivi ma première formation dans le domaine, il m’a été suggéré d’étudier chaque jour l’un des arcanes majeurs, puis… de dormir la nuit venue avec cette carte sous mon oreiller. Afin qu’elle me « parle » dans mon sommeil. J’ai fait quelques rêves curieux ces nuits-là.
Différentes façons de procéder
Il existe quantité de tirages différents, certains pouvant prendre la forme de véritables mandalas, mettant à contribution tant les arcanes majeurs que mineurs, ou encore mêlant aux cartes la numérologie (en partant par exemple de la date de naissance de la personne consultante) ou les signes astrologiques. Mais il est raisonnable de débuter avec un tirage assez basique, vous verrez que ses enseignements seront déjà considérables.
Ce n’est pas tant l’avenir que dévoile le tarot, qu’un chemin qui va de soi à soi. C’est une passerelle, un médium permettant d’éclairer nos questions comme notre évolution personnelle.

Un livre de référence : Isabelle Nadolny, Histoire du tarot. Origines, iconographie, symbolisme, éd. Trajectoire, 2018.

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