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Ancre 1

"J’ai décidé d’être heureux parce que c’est bon pour la santé."

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Naître




Tout a commencé par un rêve.


C’est le film de tes pieds écrasant les pédales d’une voiture. Tes larges chaussures appuyaient sur l’accélérateur, l’embrayage et le frein d’un même trait. Impossible d’avancer. Impossible de freiner. Impossible de changer de vitesse. Tu vivais à ce point d’immobilité. A ce point.


Depuis longtemps, avant de t’endormir, tu demandes à ton Maître intérieur de t’éclairer, de te guider, de te dévoiler des éléments de ta vie que tu ne verrais pas, auxquels tu ne prêterais pas suffisamment attention.


La veille de ce rêve, tu avais interpellé ton Maître intérieur : « Une partie de moi dérive en une lente et longue migration. Je ne me sens plus à l’aise où je me trouve sur cette Terre. Si tu l’estimes opportun, je t’adresse la demande m’envoyer un signe… »


Le signe t’a été donné.


Tout a commencé par un rêve.


Tes rêves sont tes compagnons. Ils viennent quand tu peux les recevoir. Ils viennent s’ils estiment que tu es capable de les comprendre. Ils viennent pour enclencher ta révolution. Ils viennent pour susciter les déclics qui pourront bouleverser ton destin. Plus tes rêves sont simples, plus ils sont forts. Tu le sais.


Ton existence se faisait du mal dans un nœud le pire que tu puisses redouter. La décision que tu tardais à prendre était celle qui impacterait un très grand nombre de personnes autour de toi. Jamais tes heures ne t’avaient présenté une telle bascule. Jamais.


Les Poètes disent qu’à la fin de toute histoire, il est nécessaire que le protagoniste se transforme. Sinon l’histoire est ratée. Sinon l’histoire ne sert à rien. Sinon l’histoire ne sera pas reconnue par les hommes et les femmes qui savent par cœur la dramaturgie des choses. Les Poètes disent qu’à quelques encablures de la fin d’une histoire, et sans doute peux-tu le vérifier dans les films ou les livres que tu aimes, le protagoniste enclenche cette transformation.


Les Poètes alors s’arrêtent un instant de parler. Parce que dans leurs yeux passent des songes terribles, des drames, des tragédies. Ils posent les mains à plat sur la table d’un bistrot et, dans une odeur de carton de bière, ils disent : « Il n’y a pas de naissance sans abimer l’utérus ».


D’abord, tu ne comprends pas. Tu fais répéter la phrase avec d’autres mots. Tu demandes de redire la phrase comme si tu avais cinq ans. Les Poètes expliquent avec d’autres mots. Tu écoutes.


« Si l’enfant ne décide pas de naître, il mourra. Et la femme qui le porte mourra. L’enfant déchire. L’enfant abime. Il n’y a pas de naissance sans abimer l’utérus. Demande à la femme qui a mis au monde l’enfant. Demande-lui l’intensité des douleurs. Demande-lui l’onde des blessures et la longue et lente cicatrisation de son corps. »


Les Poètes qui te parlent regardent de l’autre côté de la vitre du troquet. Vers la rue, le Monde et l’Eternel. Leurs yeux se perdent entre deux nuages, entre deux rayons de Lune où se trouve le divin, peut-être. Ils cherchent les mots justes.


« Quand un être naît, il abime l’espace et les gens autour de lui. C’est comme ça. Douleurs et déchirures restent longtemps. Des semaines, des mois, des années, une vie parfois. Je te parle des douleurs et des déchirures de l’Âme. C’est terrible. »


Te revient ton rêve, message de ton Maître intérieur. Tu le relis. Tu l’écoutes, ton rêve. Il te parle.


« Ta vie ni n’avance, ni ne freine, ni ne change de vitesse. Ton cœur bientôt cessera de battre. Un cordon s’enroule autour de ton cou. Dans le passage étroit. Tu bradycardises à ne pas t’engager, à ne pas écarter les organes qui t’entourent, à ne pas oser provoquer la douleur, la souffrance, le cri. Tu n’es plus ni homme ni femme. Tu n’accomplis plus ton travail humain. Tu es un arrêt dans le temps et l’espace. Une brisure de vent. »


Les pieds, les pédales, ton rêve. Tu as compris que ton psychisme n’était pas encore prêt.


Alors, tu as demandé à ton Maître intérieur de t’aider. Encore et encore. Dans le silence de ton premier sommeil, tu lui as dit : « Je ne supporte plus mon métier, mon chef et tout ça, mon job, je veux partir, mais j’ai peur, si peur, financièrement c’est risqué, je sens que je dérive. Je ne me sens plus « chez moi » dans mon identité sexuelle, je veux oser, dire, chanter, vivre combien « homme, j’aime les hommes », combien « femme, j’aime les femmes ». Je ne me reconnais plus dans ce lien d’Amour qui m’assombrit plus qu’il m’illumine, j’ai peur de la peine que je vais infliger autour de moi, les regards qui ne se croisent plus, les peaux qui ne se touchent plus, les corps, j’ai peur des souffrances que je vais octroyer. Si je reste, je ne suis plus moi. Si je reste, je n’accomplis pas la vie vivante. Je t’adresse la demande de me guider, de m’éclairer… Oh, mon Maître intérieur, apprends-moi… S’il te plait… »


Tu ne sais jamais sous quelle forme viendra la réponse de ton Maître intérieur.


Le signe est venu quelques jours plus tard. Une voix en toi. Sous la forme d’une évidence. Tu regardais par la fenêtre. Un vol d’oies sauvages. Elles traversaient le ciel dans un silence orange et mauve. La migration. Une voix est montée. Cette voix t’a dit : « Vis, va, vole. Ton Âme est prête. »


Alors, homme ou femme du Mystère, tu as pris l’évidence à-bras-le-corps.


Tu as osé.


Naître.


Abimer l’utérus.


Avec, dans tes poches profondes, ces mots : « Pardon, mes collègues de vous quitter, je change de métier. Pardon, mes parents de ne pas adhérer à vos cultures. Pardon, mon père de pas reprendre l’entreprise familiale. Pardon, mon jeune Amour d’étudier à l’autre bout du monde loin de nos baisers tendres. Pardon de mourir, mon conjoint, mes enfants, mes petits enfants, mes amies, mes amis.


Pardon pour celles et ceux que je fais souffrir. Pardon pour l’arcane XIII du Tarot de Marseille, l’Arcane sans Nom, Mort et Transformation. Pardon pour les os, les têtes et les mains coupées. Pardon pour les blés fauchés. Pardon pour les graines nécessaires. Pardon pour l’OEuvre au blanc du processus alchimique. Action radicale dans le sens de ta vie. »












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