Combien y a-t-il de naissances dans une vie ? Il y a la première sans doute, celle du corps. Par cette naissance, nous venons au monde. Cette naissance, contrairement à ce que l’on croit, ne commence pas avec la sortie du ventre, mais dès la conception (ovule fécondée) et se continue jusqu’à la formation du corps adulte. Finalement, la naissance du corps dure presque 20 ans.
Puis vient la naissance psychique, on pourrait dire la naissance de l’âme, du moi en tant qu’individu. Cette naissance prend aussi beaucoup de temps ; elle est liée au langage, à la pensée, à la reconnaissance de soi dans le miroir, au fait de se vivre comme individu, aux expériences de vie. Elle aussi prend des années. Notre âme nait et croît sans cesse, jusqu’à ce que notre moi soit stabilisé, adulte (25 ans, 30 ans ?).
Notre société ne connait que ces naissances là, qu’elle identifie d’ailleurs comme la naissance de l’individu (âme et corps) et qu’elle date de la sortie de la matrice maternelle.
Mais il existe une troisième naissance, dont nous parlent les textes spirituels, et en particulier les textes chrétiens en cette période de Noël. Nous devons renaitre encore ! C’est le message de Jésus notamment quand il s’adresse à un docteur juif du nom de Nicodème : « En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. Ne t’étonne pas que je t’aie dit : Il faut que vous naissiez de nouveau » (Evangile de Saint-Jean). Mais comment allons-nous naitre de nouveau ? Nicodème s’étonne et demande « Comment pourrions-nous retourner dans le ventre de notre mère ? ». Il ne s’agit bien sûr pas de cela, il ne s’agit pas d’une naissance du corps, ou de l’âme, mais de la naissance de l’Esprit.
Et c’est ce à quoi nous invite à vivre Noël : naitre à nouveau d’Esprit et entrer dans le Royaume. Le poète mystique Angélus Silésius le formule dans ces vers :
"Le plus doux : voir Dieu enfant d'homme. Le plus heureux: sentir en soi sa naissance."
Pour sentir en soi cette naissance divine, il suffit que j'abandonne mon identification à toutes images de moi-même, et que j'entre dans le fond de mon être, dans la pure nudité de la conscience simple. Ce qui voit en moi, ce qui vit en moi, ce n'est pas simplement le moi, l'individualité physico-psychique, la chose limitée et temporelle à laquelle je m'identifie, non, c’est la source, le mystère.
Si j'inverse la flèche de mon attention de 180°, je découvre un Espace éveillé dans lequel le monde prend lui aussi naissance : on peut l'appeler le Christ, ou l'atman-brahman, ou la nature de Bouddha....
Joyeuse naissance !
