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Ancre 1

"J’ai décidé d’être heureux parce que c’est bon pour la santé."

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Je et Nous



Louis Fouché est médecin anesthésiste-réanimateur. Il a travaillé et expérimenté des modèles de gouvernance et de partage du pouvoir multiples. Il nous convie à vivre autrement les tensions entre les dimensions collectives et individuelles, d’abord par le retournement de chacun sur sa propre profondeur. Ensuite par un travail sur le lien. Il a participé à la mise en place d’un réseau étonnant de résilience dans cette crise systémique profonde que nous traversons.


Le tissu de notre monde s’effrite. Notre société s’effondre, se dérobe sous nos pieds. La crise emporte avec elle toutes les impostures, tous les compromis avec la cohérence. Les appartenances sont mises en tension jusqu’à se rompre. Les multinationales se gavent. Les politiques bégaient. L’état de droit s’efface. Les médias hurlent propagande. La science ment. La médecine ne soigne plus. L’école maltraite les enfants. La nature pleure. Les collègues se chamaillent. Les voisins s’évitent. Les amis se fâchent. Les familles se disloquent. La maladie ripaille. Et nous voilà dans le tas de cendres comme Job sur son tas de fumier. Nous voilà seuls avec le deuil, la colère et la peur, coincés derrière nos écrans de silicium. Nous voilà perdus dans le désert numérique, et le réel coule comme du sable entre nos doigts. Comment changer le monde ?


Seul, Je ne peux rien. Je n’ai pas de puissance d’agir sur la matière. Seul, je deviens fou. Je dois crier à l’aide. J’ai besoin de l’autre. Et Je et Toi, et toi et toi … devons réussir à former un Nous. Ce Nous en cohérence a le souffle de construire enfin le monde désirable que cette crise réclame comme un remède !


Il y a une double fragilité ontologique de l’individu et du groupe. Cette phrase énigmatique résume une évidence: “Je” n’existe que parce qu’il contribue à un “Nous” plus large qui le protège. “Nous” n’existe que parce qu’il y a des “Je” qui peuvent en émerger et mettre leur talent à contribution pour le nourrir. Si chacun n’existe pas en tant qu’individuation unique et créative, “Nous” n’existe pas.


Alors comment changer le monde ? En incarnant son Je et en se mettant en lien. Mais à l’heure de la coexistence paradoxale de l’individualisme forcené d’un côté et du conformisme fascisant de l’autre, se mettre en lien est devenu un vrai défi. Voilà le fameux PFH. " Le putain de facteur humain ". L’humain avec ses failles, ses egos et ses traumatismes. Les pervers narcissiques, startuppers d’eux mêmes, en croissance infinie autosatisfaite, se servent de l'énergie du Nous. Ils tirent toute la couverture à eux. Ils envahissent violemment l’autre, quitte à disloquer et effondrer

le Nous. A l’inverse, les timorés conformistes rêvent d’une horizontalité stricte, anxieuse et jalouse. Ils voudraient empêcher l’étincelle individuelle, quitte à éteindre le vivant du Nous. Comment transformer ce PFH en “précieux facteur humain” ? Comment trouver la juste tension entre stabilité apaisante et protectrice et étincelle créatrice dynamique ?


Prenez un groupe de jazz. Le groupe joue un thème. C’est un vieux thème archi connu que tout le monde reprend. D’abord chaque musicien maîtrise son instrument. Puis le groupe joue en chœur le thème. Enfin chaque musicien à son tour improvise, fait son solo. La batterie, la contrebasse, la guitare et le saxo. Les autres l’accompagnent. Ils donnent le rythme. Ils gardent la cohérence de la grille d’accords. Le groupe protège le morceau et le soliste, en tenant ferme la trame tissée de la grille d’accords. Et le soliste explore la limite. Il joue avec quelques notes interdites dans la tonalité décidée. Il offre une exploration inédite, et à lui propre, de la réalité du morceau interprété à neuf.


Comment travailler sur soi et ses blessures ? Comment se réunir et structurer du lien ? Comment laisser les Je s’exprimer dans le Nous sans le mettre en danger ? Il existe des clés d'organisation utiles à faciliter l’émergence puis la maturité des groupes humains. L’Université du Nous a réfléchi à ces questions et proposé de nombreuses pistes pratiques. Ils participent à faire émerger la possibilité collective d’un monde meilleur. Les outils pratiques qui suivent en sont un rapide aperçu. Les tâtonnements organisationnels de tous les groupes qui vont émerger de cette crise seront les fondements d’une sagesse relationnelle essentielle.


D’abord un groupe qui se constitue doit répondre à un besoin du monde. Si ce besoin est posé avec clarté, l'énergie dans le groupe circule et les missions sont réalisées sans effort. La clarté sur le besoin constitue les "raisons d’être” du groupe. Elles doivent évoluer de manière dynamique. Chaque confrontation que le groupe va vivre avec le réel en est une occasion. Les individus se retrouvent dans un Nous réuni pour satisfaire les raisons d’être. Ils doivent alors poser ensemble un cadre de sécurité. Il s’agit de quelques règles du jeu coconstruites. Elles définissent les règles sur la parole, sur l’intégration ou l’exclusion de nouveaux Je. Elles doivent circonscrire un espace de sécurité relationnelle où les conflits vont pouvoir être traversés et vécus comme des cadeaux au groupe. Les modalités de prise de décision doivent être explicitées : décision du chef, vote, consensus, consentement... Dans ReinfoCovid, la règle est que n’importe qui peut décider n’importe quoi. La seule chose qui est demandée et qui sera reprochée si elle n’est pas appliquée est : celui qui entreprend doit demander l’avis de ceux qui vont être impactés par sa décision. Cela s’appelle la “procédure de demande d’avis”. Et libre au décideur d’aller à l’encontre des conseils. Mais il sait qu’il devra faire face aux conséquences.


Voilà déjà une trame : raisons d’être évolutives, cadre de sécurité, modalités de prise de décision explicites. Votre groupe muni de ces sésames ouvrira les portes d’une créativité inarrêtable. Le chemin est pavé d’embûches. Le travail en profondeur sur soi est indispensable pour que le Je exprime sa verticalité de création au service d’un Nous dont l’horizontalité est protectrice et nourricière. Bonne et joyeuse création d’un Nôtre Monde à tous. Il est grand temps.


Louis Fouché

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