Traverser les deuils et trouver la lumière
- jraynal
- May 21
- 4 min read
Updated: May 28

Le livre « La lumière après l’ombre » est issu d’expériences personnelles et de nombreux témoignages de deuils qui m’ont été confiés et m’ont bouleversée. J’ai souhaité les évoquer avec les lecteurs dans un souhait de partage et de transmission.
Le deuil dépasse la mort : un choc existentiel
Lorsque l’on parle de deuil, l’image qui surgit spontanément est celle de la mort. Celle d’un proche, d’un parent, d’un ami. Et pourtant, mon histoire personnelle et ma pratique de psychanalyste m’ont appris que le deuil dépasse largement ce seul événement. Il survient chaque fois qu’une perte vient rompre l’équilibre de notre vie, chaque fois qu’il y a une rupture : fin d’une relation, perte d’un emploi, changement de rôle ou de statut, exil, maladie, abandon d’un projet ou d’un rêve. Autant de fractures invisibles qui peuvent bouleverser notre identité et notre relation à notre propre existence…
Ce chemin vers la lumière que peut représenter la traversée de la perte, je le connais de l’intérieur. Il ne consiste pas à éviter la douleur, mais à l’accueillir et à lui donner forme pour l’inclure dans notre relation au vivant, sans lui donner l’entièreté de notre attention.
Des pertes multiples et souvent invisibles
Le deuil d’un être aimé reste l’une des formes les plus profondes que j’ai pu vivre et observer. Il bouleverse nos repères, efface les contours familiers de la vie quotidienne. Une voix, un regard, une présence qui étaient évidents deviennent soudain souvenirs.
Le deuil d’un projet ou d’un rêve est parfois invisible aux yeux des autres, mais il n’en est pas moins réel. Une vocation qu’on ne pourra suivre, un enfant qu’on n’aura pas, un avenir qui s’effondre, une relation qui s’arrête… Autant de pertes qui n’ont pas de rite, mais qui laissent une empreinte profonde.
Le deuil d’un animal est encore trop souvent minoré, voire ignoré. Pourtant, je l’ai vu, entendu, ressenti : ceux qui vivent au quotidien avec un animal de compagnie savent combien le lien peut être profond.
Vieillissement, maladies chroniques, changement du corps, pertes de repères sociaux… Autant de petits deuils accumulés qui finissent par peser lourd et nécessitent qu’on leur accorde reconnaissance et tolérance. Car lorsqu’ils sont évités ou niés, ils vont se manifester de façon détournée et parfois incompréhensible.
La traversée du deuil est un cheminement personnel
Il n’y a pas de mode d’emploi pour faire son deuil. Pas de calendrier. Pas de solution magique. La traversée du deuil est un cheminement personnel, souvent chaotique. Il ne se fait pas en ligne droite en allant du point A au B.
Il n’est pas rare que des deuils anciens refassent surface lors de nouvelles pertes. Le processus est alors double : on pleure ce qu’on vient de perdre, mais aussi ce qui, en soi, était encore en attente d’être pleuré.
Dans ma pratique, j’ai accompagné de nombreuses personnes confrontées à la perte. Une mère qui perd son fils. Un homme quitté brutalement. Une femme âgée qui enterre son chien, seul lien qu’il lui restait avec son mari décédé. Pour moi aussi, la perte d’un animal a pu provoquer un effondrement.
Le deuil, passage vers un autre état
Dans cet ouvrage, empli de témoignages, je partage aussi mon propre chemin : des expériences en état de conscience élargie, une expérience où, dans la logique médicale, j’aurais dû mourir qui m’a rapprochée d’une forme d’essentiel. Ce que j’ai goûté, je souhaite le nommer aujourd’hui comme une sagesse à partager. Non pour consoler, mais pour accompagner. Comme pour dire « tu n’es pas seul mon frère ».
J’ai voyagé, rencontré, appris. Auprès de peuples autochtones, j’ai découvert une autre manière d’accueillir le deuil. Ces traditions ne considèrent pas la perte comme une anomalie, ni comme une mauvaise surprise que jouerait le destin. Mais comme un passage vers un autre état. Dans ces cultures, le deuil est un acte collectif. Il est partagé. Il s’exprime dans le corps, dans la parole, dans la communauté. Là où nos sociétés modernes tendent à enfermer la douleur dans le silence ou la médication, ces traditions offrent un espace pour que le manque devienne langage et pour que l’absence soit présence par la parole.
L’importance des rituels dans le processus de deuil
Les rituels ont une fonction essentielle : ils permettent de donner forme à l’invisible, de marquer le passage, de relier les vivants et les morts. Ils ne sont pas magiques, mais symboliques.
Accompagner sans vouloir guérir
Accompagner quelqu’un en deuil, c’est souvent ne rien faire d’autre qu’être là. Présent. Silencieux. Attentif. Trop souvent, nous voulons rassurer, consoler, trouver des mots. Mais le plus grand cadeau est simplement celui de la présence.
L’endeuillé n’a pas besoin de solutions, mais de reconnaissance. Il a besoin qu’on lui donne le droit d’exister dans sa douleur. Être accompagnant, c’est savoir dire : « Je ne sais pas quoi dire, mais je suis là. »
Nous avons tous un rôle à jouer. Non pas pour tenter de guérir l’autre, mais pour l’aider à trouver en lui la ressource, la force, parfois la paix au moment où cela lui sera possible, et si cela lui est possible.
Un chemin d’éveil
La lumière dont je parle n’est pas une promesse de bonheur retrouvé, ni un optimisme de surface. C’est une lumière intérieure, une énergie qui sait que l’amour ne peut pas se perdre. Et que de façon ultime, il n’y a que lui.
Cette lumière est aussi spirituelle, au sens large : elle touche à ce qui nous relie au mystère de la vie, à ce qui nous dépasse. Il ne s’agit pas de croyance religieuse, mais de reconnaissance d’un ordre symbolique, d’un espace du sacré. Le deuil, dans cette perspective, peut aussi devenir un chemin d’éveil.
Traverser un deuil, ce n’est pas refermer une parenthèse pour revenir à la vie d’avant. Cet avant, il n’y a rien à faire : il n’existe plus. C’est apprendre à vivre autrement. Avec l’absence, avec les souvenirs, avec les cicatrices. Mais aussi avec la joie de ce qui a existé.
Pour moi, tout est énergie et l’énergie ne peut pas disparaître…
Je nous invite donc à traverser nos pertes non pas uniquement comme des fardeaux, des injustices ou des malédictions, mais comme des passages. À accueillir le chagrin comme un maître exigeant, mais aussi possiblement révélateur. Et peut-être, au bout de la nuit, à découvrir une lumière nouvelle, intérieure, essentielle, tellement vivante.
Barbara-Ann Hubert
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