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"J’ai décidé d’être heureux parce que c’est bon pour la santé."

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L’art comme voie spirituelle


Le peintre Paul Cézanne disait que le but ultime de l’art est de « nous donner un avant-goût de l’éternité ». Le violoncelliste Pablo Casals a exploré les ‘Suites pour violoncelle’ de Bach pendant 35 ans avant de les enregistrer afin d’exprimer au mieux « l’essence de la Vie dont elles sont issues et vers laquelle elles pointent ». L’artiste qui s’engage sur la voie spirituelle tente d’exprimer l’indicible afin d’offrir aux autres le parfum de cette Unité sous-jacente.



De nombreux artistes issus de différentes cultures et époques s’accordent sur le fait que le point culminant de toute perception est la beauté. Ainsi, la fonction la plus élevée d’une oeuvre artistique, quelle qu’elle soit, est de révéler cette essence de beauté, ou, selon les mots de Cézanne, de « donner un avant-goût de l’éternité ».


Ultimement, une oeuvre d’art est donc une expression de cette Présence au-delà des formes. La puissance de cette forme d’art est qu’elle contourne l’esprit rationnel pour nous toucher au plus profond ; comme une émanation de l’Être qui, par résonance, viendrait révéler l’Êtreté que nous sommes toutes et tous.


Evidemment, à notre époque troublée où la société du divertissement entraîne une partie du monde dans une multitude d’activités superficielles, l’art est souvent vécu comme palliatif à la détresse, au stress et à la tourmente. De nombreux artistes expriment ainsi leur colère, leur rébellion, leur mal-être ou encore diverses revendications et opinions. Cela a bien sûr sa place et peut même jouer un rôle thérapeutique, ne fût-ce que pour l’artiste lui-même. Mais une fois apaisé et pacifié, l’artiste peut aussi choisir d’exprimer via son art l’unité en amont de la multiplicité, la beauté vivante qui est toujours là en filigrane pour les sens éveillés et attentifs.



La beauté, miroir de la Vie

Bien que la beauté soit subjective, elle est toujours liée à des expériences objectives : un paysage, une fleur, une sculpture, un dessin, une mélodie, une peinture, … Ainsi, pour découvrir ce qu’est la beauté et en témoigner, l’artiste doit pouvoir explorer, ressentir et comprendre la relation entretenue avec les objets et les formes. Dans cette investigation, il se rendra vite compte que tous les phénomènes — formes, sons, textures, etc — correspondent précisément aux organes sensoriels qui les perçoivent. Nos organes sensoriels conditionnent donc la façon dont la réalité nous apparaît. Or, cette réalité se modifie et évolue sans cesse. Quel est ce fil rouge derrière les apparences changeantes qui nous donne l’impression d’une continuité ?

Puisque tout apparaît et disparaît sans cesse, cela doit le faire dans ou sur quelque chose. Par conséquent, bien que le monde des formes change constamment, on s’aperçoit que le seul élément stable et permanent au cœur de l’impermanence est la Conscience qui perçoit toute expérience.


Le peintre et poète William Blake disait : « Si les portes de la perception étaient nettoyées tout apparaîtrait à l’Homme tel qu’il est : infini » ; les soufis enseignent que : « Partout où l’oeil tombe, est le visage de Dieu » ; Parménide, faisant écho aux paroles de la Bhagavad Gita, exprimait : « Ce qui est, ne cesse jamais d’être ... ce qui n’est pas, ne vient jamais à l’existence » ou encore Cézanne : « Tout ce que nous voyons s’effondre, s’évanouit. La Nature est toujours la même, mais rien en elle qui nous apparaît ne dure. Notre art doit rendre le frisson de cette permanence… ».


L’art comme expression de la Présence-Conscience

Ainsi, le but ultime de l’art est de révéler cette Présence-Conscience à travers les sens, d’arriver à exprimer une forme par laquelle cette réalité peut être vécue de manière directe par le spectateur. Que cela soit au travers de la sculpture, de la peinture, du dessin, de la musique, de la littérature, du théâtre, de la photographie, de la danse… ou encore du cinéma (cfr. Pier Paolo Pasolini qui disait de la réalisation de ses films : « J’essaie simplement de redonner à la réalité sa signification sacrée originelle »).


L’artiste qui choisit la voie spirituelle a donc une double responsabilité : la première, partagée avec le mystique, est le processus par lequel il explore le monde phénoménal afin d’en découvrir la vraie nature ; la seconde consiste à se familiariser suffisamment avec son art pour arriver à exprimer les résultats de son investigation de la réalité. Une réalité où sujets et objets se (con)fondent dans l’Unité de la Conscience.


En ce sens, l’artiste sur la voie spirituelle doit arriver à représenter notre monde d’objets conceptualisés, apparemment séparés et dispersés dans l’espace-temps, tel qu’il est réellement : un continuum unifié et vivant au parfum d’infini et au « goût d’éternité ».



Quand l’art (re)devient sacré

L’art sacré est donc une oeuvre qui émerge d’un désir profond d’explorer la vraie nature de notre expérience, l’essence en amont de toutes formes. Or, cette exploration ne peut se faire que via un dépouillement de nos limitations, conditionnements et systèmes de croyances. En ce sens, c’est une voie qui invite tôt ou tard au dépouillement de l’ego. Car ce que l’on appelle « ego » n’est finalement qu’une limitation auto-imposée de notre vraie nature. L’artiste-céramiste et enseignant spirituel anglais Rupert Spira dit de l’ego que « c’est le nom que nous donnons à la Conscience quand elle s’identifi e à moins que la totalité d’elle-même ».


Lorsque la Conscience est soulagée de ces limitations, elle peut faire l’expérience de sa propre nature illimitée.

Ainsi, lorsqu’une oeuvre d’art s’inspire des limites de l’artiste, elle ne fera que ramener le spectateur vers ces limites. Alors que si elle s’inspire de la Vie elle-même, elle opère — comme par magie — un retournement des perceptions du spectateur vers la Présence vibrante en amont de toutes formes. Présence-Conscience qu’il pourra peut-être reconnaître et goûter comme étant sa véritable nature…


A notre époque de troubles systémiques profonds, les expressions artistiques de cette Présence en amont des formes sont non seulement pertinentes, mais essentielles.


Plus il y a d’injustice, d’inégalité et de souffrance dans le monde, plus il y a besoin d’artistes sensibles à l’Unité de la Conscience afin d’en exprimer l’essence et ainsi contribuer à l’apaisement des cœurs et à la guérison du monde.








 

RÉFÉRENCES :

« L’oeuvre comme exercice spirituel » d’Olivier Long chez Hermann

« Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier » de Vassily Kandinsky chez Gallimard

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